Rémunération des banquiers : l’intégration des critères RSE en forte hausse
Le cabinet d'audit et de conseil PwC a récemment publié, en partenariat avec l’Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (Orse), la deuxième édition de son guide Critères RSE et rémunération sur l’intégration de critères RSE dans la rémunération variable des dirigeants et managers.
Basé notamment sur les témoignages de 9 grandes entreprises (parmi lesquelles des banques comme BNP Paribas et Crédit Agricole) et les informations publiques communiquées par les sociétés du CAC 40, ce guide de 78 pages révèle la tendance croissante à l’intégration des critères RSE au plus haut niveau stratégique des entreprises.
« Cette étude, bien au-delà de ce qu’elle rapporte au plan opérationnel sur les mécanismes de rémunération, est un élément de plus nous démontrant que nous entrons dans une ère nouvelle où les questions de RSE ne sont plus un sujet annexe, mais bien une réalité concrète, stratégique et créatrice de valeur pour l’entreprise, l’homme et la société », souligne Sylvain Lambert, associé en charge du département Développement Durable de PwC.
L'intégration de critères RSE se généralise
En moins de 10 ans, le nombre d’entreprises qui intègrent ces critères n’a cessé d’augmenter, passant de 10% en 2006 à plus de 70% fin 2015. Ces chiffres reflètent la volonté des entreprises d’associer critères financiers et critères extra-financiers dans le but de mieux concilier les objectifs de performance opérationnelle de l’entreprise à court terme, ses objectifs de création de valeur durable à plus long terme et les intérêts de ses actionnaires.
Bien que considérés comme des enjeux de moyen à long terme, la grande majorité des démarches d’intégration de critères RSE visent uniquement la rémunération variable court terme. Ainsi, les 29 sociétés ayant intégré des critères RSE dans leur politique de rémunération l’ont toutes fait sous forme de bonus annuel et pour 72% d’entre elles exclusivement sous ce type de rémunération. A ce stade, peu d’entreprises ont également recours à l’intégration de critères RSE dans leurs dispositifs d’intéressement ou de rémunération variable long terme ou pluriannuelle.
De plus en plus de personnes concernées
L’extension de la démarche aux cadres dirigeants et managers illustre leur volonté d’ancrer davantage la RSE dans les missions et prises de décisions de chaque personne concernée. Ce faisant, l’entreprise contribue au déploiement de sa stratégie RSE à tous les niveaux, même si l'étude indique clairement que ce sont les dirigeants mandataires sociaux qui bénéficient en priorité par cette démarche.
Cependant, les entreprises les plus matures sur le sujet élargissent progressivement le nombre de personnes concernées par le dispositif en touchant de nouvelles populations comme les cadres dirigeants et les managers. Ainsi, 83% des entreprises du CAC 40 qui prennent en compte les critères RSE dans les rémunérations visent les dirigeants mandataires sociaux, 52% la population des cadres dirigeants et 41% les managers.
De nombreux critères retenus
La montée en puissance des critères RSE dans la rémunération variable des dirigeants reflète une tendance forte qui se traduit aujourd’hui par un traitement réellement plus stratégique des questions de RSE par les entreprises de toutes tailles et les investisseurs. La COP 21 ou encore les Objectifs du Développement Durable sont des révélateurs de cette évolution.
Parmi les enjeux les plus adressés par les entreprises du CAC 40 dans la rémunération des dirigeants mandataires sociaux, on peut citer l’atténuation des risques liés à la santé-sécurité (55% des entreprises du CAC40) et au changement climatique (41%) sont ceux qui ressortent le plus devant des sujets comme l’éthique (32%) ou encore le développement des compétences (32%).
On note également la prise en compte par les entreprises d’autres critères jusqu’ici relativement peu utilisés et qui s’inscrivent plus dans une logique de création de valeur durable comme : le développement de produits « verts », les droits humains, l’engagement des collaborateurs ou encore les achats responsables. « Globalement, les enjeux liés à l’atténuation des risques sont les plus présents dans les dispositifs mis en œuvre par les entreprises », précise Sylvain Lambert.
Vers une plus grande transparence des variables
Si les entreprises se dirigent avec succès vers des politiques de rémunération plus justes et une intégration effective des principes de RSE dans la stratégie décisionnelle, le chemin à parcourir est encore long. Il reste par exemple encore difficile d’obtenir des informations précises sur le lien entre la rémunération variable attribuée aux dirigeants, leurs performances et les progrès de l’entreprise.
Pourtant dans un contexte où les polémiques autour des rémunérations des dirigeants sont fréquentes et l’opinion publique très sensibilisée, notamment à l’écart croissant entre la rémunération du dirigeant et la rémunération moyenne de ses salariés, l’amélioration de la transparence devient incontournable.
« Le besoin d’exemplarité, de transparence et de responsabilité n’a jamais été aussi grand » indique Daniel Lebègue, président de l’Orse. « Intégrer des critères extra-financiers dans la politique de rémunération des dirigeants et managers illustre une vraie implication au plus haut niveau dans la stratégie RSE des entreprises, permettant à cette dernière de s’inscrire dans la gouvernance et la stratégie de ces entreprises ».
L'exemple de BNP Paribas et Credit Agricole
Concrètement, comment ça marche ? BNP Paribas a intégré un critère « indépendant » qui s’appuie sur les enjeux du tableau de bord RSE. 20% de la part variable de la rémunération long terme liée à la RSE est déterminée en fonction du nombre d’objectifs atteints. Le montant de la part variable effectivement versé dépend du nombre d’objectifs atteints et n’est versé intégralement que si au moins 6 des 9 objectifs sont atteints. Chaque plan annuel détaille 9 objectifs RSE chiffrés, dont certains varient tous les ans, qui s’inspirent des enjeux du tableau de bord RSE du Groupe.
De son côté, Crédit Agricole a intégré un critère « composite » basé sur un référentiel d’autoévaluation du niveau d’avancement des plans d’action RSE mis en oeuvre par les entités du Groupe. L’« indice FReD » permet ainsi d’établir un indice de progression qui est intégré au calcul de la rémunération variable long terme en actions de performance des 250 premiers dirigeants du Groupe. Chaque entité du Groupe qui participe à la démarche FReD36 pilote la mise en œuvre d’un portefeuille de 15 plans d’actions. Le niveau d’avancement de ces plans d’action est évalué chaque année. Voilà, vous savez tout (ou presque) !
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