Peut-on encore se permettre d’être généraliste pour faire carrière en finance ?
Pour les étudiants des écoles de commerce qui s’intéressent aux évolutions du marché de l’emploi et réfléchissent à leur employabilité à long terme, une question revient souvent : faut-il opter pour une formation généraliste type MBA ou bien au contraire privilégier un programme spécialisé voire ultra-spécialisé ?
Antoine Morgaut, CEO Europe Continentale & Amérique latine chez Robert Walters, ne cache pas son inquiétude sur l’embauche de jeunes trop généralistes. « Pendant des années, les jeunes voulaient rester généralistes. Or, aujourd’hui, on manque cruellement d’experts », explique t-il. Dans ces conditions, grande est la tentation pour les jeunes diplômés en finance de jouer la carte de la spécialisation. Avec les risques que cela comporte…
Généraliste versus spécialiste
En effet, « l’hyperspécialisation peut être un pari risqué. Nous préférons former des généralistes de la finance ou du contrôle de gestion, qui résistent mieux aux aléas conjoncturels », explique Eric Lamarque, directeur de l’IAE de Paris et du Master Finance. A ce sujet, on se rappelle tous des difficultés rencontrées par certaines promotions de « quants » et autres spécialistes de produits structurés pour trouver du travail dans le sillage de la crise des subprimes.
Qui plus est, « plus on est pointu, plus le potentiel d’attractivité augmente mais il reste cantonné au secteur. Il faut donc être très sûr de son choix. Lorsque ces profils souhaitent changer de domaine d’activité au bout de quelques années, mieux vaut opter alors pour une formation de quelques mois, type Executive MBA. Les recruteurs restent très conservateurs... », souligne Laurent Bergeruc, directeur des 3e cycles MSc et MBA de l’INSEEC.
Autre stratégie afin d’éviter de rester cantonné toute sa vie professionnelle à un seul secteur : la double compétence (à ne pas confondre avec la spécialisation), en vogue depuis déjà quelques années déjà, notamment chez les jeunes diplômés en finance. « Certaines doubles compétences viendront booster tant les salaires que les perspectives d’évolution », rappelle dans nos colonnes Marie-Hélène Agard, directrice des recrutements sur les métiers de la Banque chez Page Personnel.
Plusieurs stratégies possibles
La formule, quoique contraignante pour les étudiants en terme de temps et d’organisation, a le mérite de séduire les recruteurs. C’est d’autant plus vrai que les véritables doubles formations, qui proposent une spécialisation tout au long du cursus, ne courent pas les rues, à la différence des diplômés qui complètent leur formation par une année de spécialisation à la fin de leur cursus.
D’après Jean-François Fiorina, directeur de l'ESC Grenoble et directeur adjoint de l'ESC Ecole de Management, l’intérêt du double diplôme réside dans la double compétence qui séduit les entreprises. « Elles ont une vraie demande à ce niveau et dans un marché très compétitif, le double diplôme crédibilise le CV », relève t-il.
Généralistes ou spécialistes, cela n’empêche pas certains jeunes diplômés de galérer pour trouver un job. « Pour entrer sur le marché de la finance aujourd’hui, il faut accepter de ne pas y arriver directement après ses études. Vous pouvez y arriver, mais par des moyens détournés et en acceptant de mettre un peu plus de temps qu’il y a quelques années », analyse Matthieu Beaurain, président et associé du cabinet Lincoln HR Group, spécialisé dans le secteur banque finance.
Et d'ajouter : « C’est l’occasion de vous essayer à plusieurs métiers. Le secteur bancaire vous offre de nombreuses possibilités grâce à ses passerelles entre les filières et métiers ». Prenez donc votre temps plutôt que de vous précipiter et le regretter toute votre vie professionnelle...
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