À 46 ans, cette star française du trading enregistre des pertes supérieures à 100 millions de dollars
Rudyard Kipling a un jour écrit : « Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie / Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir / Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties / Sans un geste ou un soupir », alors (en résumé), il en ressortira du positif. C’est certes un noble sentiment, mais qu’on voit rarement affiché au mur dans les départements de gestion du risque de nombreuses banques. Par les temps qui courent, quasiment personne ne peut s’affranchir de la discipline des limites du risque, même dans le monde des hedge funds. Quasiment, mais pas tout à fait…
Andurand Capital Management, le fonds éponyme de Pierre Andurand, affiche un total de 1,4 milliards de dollars d’actifs sous gestion, mais il est surtout connu pour le Commodities Discretionary Enhanced Fund dans lequel Pierre Andurand lui-même des positions, essentiellement en futures pétroliers. Les éléments marketing semblent formulés pour faire fuir toute personne réfractaire à l’adrénaline ; l’usage des termes « discretionary » et « enhanced » dans son intitulé dévoile une stratégie de « forte conviction », « sans limites de risque fixes ».
Un fonds « sans limites de risque fixes » s’apparente à une carte Amex Centurion, sans limite de dépenses – c’est plus un symbole de statut qu’une prise de position par rapport à la réalité financière. La discrétion complète n’existe pas dans la gestion de l’argent des autres, et même si la fortune personnelle de Pierre Andurand constitue une grande partie du fonds, il y a forcément quelqu’un, ou un comité de plusieurs personnes, susceptible de lui dire « non » s’ils l’estiment absolument nécessaire. Mais cela signifie-t-il pour autant que Pierre Andurand a le droit de tout miser sur la base d’une conviction profonde – et plus important encore, qu’il a le droit de maintenir des positions quand elles lui sont défavorables ?
Et donc, après avoir négocié cette liberté, il en fait usage. Après la chute de 15% des futures de Brent brut, jusqu’à 71,40 $, depuis le début de l’année, Pierre Andurand considère que « tous les indicateurs qu’il utilise sont de plus en plus optimistes », que « la chute récente n’était pas étayée par les fondamentaux » et qu’il prévoit des prix supérieurs à 140 $ le baril cette année. Depuis le début de l’année, le fonds aurait enregistré 40% de pertes, effaçant ainsi un gain de 59% l’an dernier.
Ne vous inquiétez pas pour les investisseurs – ils auront toujours leurs gains de 87% en 2021 et 154% en 2020 pour se consoler, et ils savaient où ils allaient. À de multiples égards, l’intérêt à placer ses fonds chez Pierre Andurand, Said Haidar ou Crispin Odey réside en partie dans ce que les moins joueurs voient comme le fait de « donner du fil à retordre ». Tant que cela se limite à une petite partie de votre fortune, sans engloutir le montant total de votre retraite, une partie du retour sur investissement arrive sous forme de « dividende psychique », résultat du suspense de la participation par procuration à des transactions que peu de gens auraient l’étoffe de faire eux-mêmes. Pour qui peut « rencontrer triomphe et désastre, et recevoir ces deux menteurs d’un même front, » pour reprendre à nouveau les mots de Kipling, alors… bla bla bla etc. Pour les autres, embaucher un gestionnaire de fonds capable de le faire pourrait sans doute être aussi drôle.