Les conseils d’un CEO de banque aux banquiers presque trentenaires qui craignent pour leur avenir
Perdre un job dans les services financiers n’est jamais facile, mais le plus difficile, c’est bien la première fois, quand la victime est l’un de ces innocents sans expérience de ce que peut être un départ précipité, un carton avec toutes ses affaires à bout de bras. Chez Credit Suisse, on s’attend à ce que les juniors faciles à remplacer soient les plus nombreux à voir tomber le couperet d’UBS cette année. Face à cette perspective, certains banquiers seniors déjà passés par des situations comparables font de leur mieux pour les préparer aux retombées psychologiques de ce type de situation.
L’un de ces préparateurs n’est autre que Richard Handler, le CEO de Jefferies, très suivi sur Instagram pour ses conseils de carrière. Dans une lettre ouverte aux « juniors et personnes de niveau intermédiaire qui viennent de perdre leur employeur », il explique ce qu’il a lui-même appris à l’époque où Drexel Burnham Lambert a coulé en 1990, alors qu’il avait 29 ans.
La chute de Drexel a été comme une mort, accompagnée d’un profond sentiment de « tristesse et de perte, » confie Richard Handler. Mais elle lui a aussi appris toutes sortes de choses qu’il n’a jamais oubliées depuis.
On y trouve ainsi pêle-mêle l’humilité – « À l’instant t, on peut être sur le toit du monde et susciter l’envie de ses collègues et de ses pairs… Et se retrouver la seconde d’après au chômage, sur un marché de l’emploi très difficile, sans savoir vraiment quelle est la bonne direction ; la maturité – « maintenant vous vous rendez compte par vous-même à quel point tout dans la vie est fragile. La santé est fragile, les relations sont fragiles, la confiance est fragile, et les entreprises aussi sont fragiles » ; et les priorités - la famille et les amis.
Comme les banquiers de Credit Suisse aujourd’hui, Richard Handler a perdu son job alors que le marché de l’emploi était difficile. Il n’a pas pris le temps de réfléchir à quoi faire par la suite, et raconte qu’il peut être finalement assez simple de décider que « de toutes façons, vous aviez toujours détesté ce travail » quand on vous l’a enlevé. Au lieu de tergiverser, il s’est immédiatement mis en quête d’un nouveau poste, et après en avoir décroché un chez Jefferies, il y est resté jusqu’à ce jour. « Relevez-vous tout de suite, embarquez les autres autour de vous, et mettez-vous au travail pour reprendre votre carrière et la mener où vous le voulez. »
Soyez cool quand le marché n’est pas au top, ajoute Richard Handler. Vos anciens collègues peuvent devenir « essentiels : vos futurs clients, partenaires en affaires, amis, partenaires de vie ou même concurrents amicaux. » Les personnes qui « écrasent les autres » pour s’accrocher à ce qu’elles perçoivent comme des canots de sauvetage ne s’en sortent pas très bien. Dans les moments difficiles, mieux vaut être sympathique avec tout le monde, y compris avec les assistants. « Garder les yeux grands ouverts pendant ces périodes, certes très rares mais extrêmement révélatrices, vous donnera une perspective incroyable pour le restant de votre carrière. »
Et pourtant, évitez d’accorder trop d’importance à l’avenir dans un tel contexte. En reprenant les termes du chasseur de têtes Will Tan, qui déclarait la semaine dernière à Bloomberg qu’il n’y aurait pas suffisamment de postes pour satisfaire tous les nouveaux demandeurs d’emploi, Richard Handler recommande d’être « suffisamment flexible pour réfléchir sérieusement à toutes les étapes à suivre, et de n’en exclure aucune. » Quand vous tombez sur une bonne occasion, saisissez-là, dit-il. Ne traînez pas. Faites confiance à votre instinct et foncez, pour les collègues avec qui vous allez travailler. Dans trente et quelques années, vous aussi pourriez bien être le CEO de la boîte.